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appelé son fils d’élection. Si, dans toute âme, l’amitié est, sans comparaison, le plus beau des sentiments de ce monde, elle devient sublime dans une femme placée aux confins de la vie, qui semble avoir tout épuisé et être devenue inséductible. Le jeune homme qui l’inspire, doit en être plus fier que de toutes les turbulentes passions qu’il a semées dans des cœurs par l’âge plus rapprochés du sien. Hermangarde aussi — comme Mme  d’Artelles — savait bien que sa grand’mère aimait Marigny pour lui-même, et la tendre et généreuse jeune fille en était heureuse pour son fiancé.

« Avouez que vous l’aimez autant que moi, maman ! » disait-elle avec l’accent du triomphe, la veille du jour fixé pour ce mariage, l’objet de leurs plus vifs désirs à toutes les deux.

Ils étaient restés avec la marquise, après les visites et les félicitations d’un pareil jour, Hermangarde seule n’était pas fatiguée. Reine que son diadème ne blessait pas, elle avait radieusement montré son bonheur, en âme franche et naïve, en vraie jeune fille qu’elle était. Elle avait écouté avec un ravissement qu’une divine réserve entrecoupait sans pouvoir le cacher, ces compliments dictés par l’usage à des bouches envieuses ou indifférentes. L’amour heureux chantait si bien dans son âme qu’elle en aimait tous les échos. Elle jouis-