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qu’au commencement du récit de M. de Marigny. En s’accoudant au bras du fauteuil, en se ployant pour mieux écouter, elle n’avait pas même affaissé les plis gracieux d’une robe qu’elle faisait bouffer avec la supériorité des grandes dames d’autrefois, et son rouge n’était pas tombé.

« Dites encore, mon ami, — ajouta-t-elle. — On ne dort plus à mon âge, et j’ai passé bien d’autres nuits à une époque où je dormais. De longues histoires au coin du feu, ce sont les bals de la vieillesse.

— Le lendemain, — continua donc M. de Marigny, — nous étions séparés. Vellini prit un appartement rue de Provence, qu’elle a toujours gardé depuis. Je lui avais dit que nous resterions amis. Je lui prouvai que j’étais le sien en me chargeant de ces soins matériels qui répugnaient tant à sa paresse méridionale. Je m’estimais heureux de lui être utile, et je me promis bien d’étendre sur elle, tout le temps qu’une nouvelle liaison ne lui offrirait pas un appui, une protection habilement cachée qui n’alarmerait pas son orgueil. Dans les premiers instants de cette vie nouvelle que nous avions adoptée, je la vis chaque jour et même plusieurs fois par journée. Je cherchais à lui épargner l’ennui de la solitude. J’avais les mille délicatesses d’un homme qui