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son orgueil, sinon sa douleur, ne le poussa-t-il pas vers moi pour tirer vengeance de l’injure que je lui faisais ?… Qui le retint ?… Toute âme d’homme est bizarre, mais l’âme d’un Anglais l’est deux fois !… Oui, peut-être pensa-t-il que s’il s’acharnait à reprendre cette femme qui était la sienne, au nom de son droit légal ou de sa force individuelle, il n’était pas près d’en avoir fini avec nous ; que nous étions deux contre lui, — deux dont il en connaissait un ; car il devait savoir par expérience s’il était aisé de subjuguer Vellini. Oui, peut-être pensa-t-il que s’il s’engageait dans cette voie il s’arracherait lui-même tout vivant à ce jeu, qui le tenait par les entrailles plus encore que cette Malagaise, — aimée comme les Anglais savent aimer, par orgueil, par ennui ; épousée d’ailleurs, connue, possédée ! Joueur avant tout, accoutumé de croire au sort, les battements incoercibles du cœur de Vellini pour moi étaient l’arrêt de son destin, à lui. Puis, il n’avait pas d’enfant d’elle. Elle cessait de porter son nom. Elle ne lui demandait pas une livre sterling de sa fortune. De toutes les richesses qu’il pouvait jeter dans le gouffre qu’un joueur ne comble qu’avec son corps, elle n’avait emporté que quelques bijoux donnés par sa mère et sa mantille. Il ne vint donc pas : il me la laissa.

« Elle voulut habiter avec moi, dans mon