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sés sur lesquels elle étalait d’ordinaire, avec des mouvements si félins, ses mollesses énervantes et provocatrices. — « Ah ! — me dis-je en voyant cette voiture vide qui me jeta au cœur le désir que m’eût donné son lit défait, — elle sera entrée dans l’église ; » et je jetai la bride de mon cheval à un enfant qui se trouvait là. Je montai alors ces marches qu’elle avait montées, curieux de voir le Dieu méchant de ma vie demander quelque chose aux pieds du sien. Il était près de huit heures du soir. J’ai tant souffert à cette époque, marquise, que les moindres détails de mes journées sont marqués dans ma mémoire d’un inextinguible trait de feu. On chantait le Salut. Je cherchai l’Espagnole… Qu’allais-je lui dire ? et qu’allais-je faire ? Je n’en savais rien. Je ne réfléchissais pas, j’allais vers elle. J’obéissais à je ne sais quoi d’aveugle, d’ignorant, de spontané, de fougueux qui me poussait d’une force irrésistible. Je la découvris dans une chapelle, les coudes nus sur le prie-Dieu de la chaise où elle était agenouillée, et son menton dans la paume de ses mains couvertes de longs gants de filet, montant à mi-bras. Priait-elle ? Avec quelle ardeur je le cherchai dans ses regards et sur ses lèvres ! Si elle priait, elle n’avait donc pas l’âme inerte, répulsive, inaccessible ! Un jour elle pourrait m’aimer !… Mais elle ne