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tum, auquel sir Annesley tenait beaucoup, et elle eût probablement résisté à la volonté maritale, en digne fille de ces Espagnols qui mirent cinq siècles à chasser les Maures de l’Espagne, quand je me suis avisé de lui dire tout bas :

« — Si vous ne voulez pas souper avec M. de Marigny, señora, c’est donc que vous le craignez beaucoup, et la Crainte, c’est souvent la sœur aînée de l’Amour.

« Mon cher, elle en a pâli, de la supposition de vous aimer, et elle m’a dit, avec un rire forcé : « Si c’est comme cela, j’accepte. » Remerciez-moi donc, Marigny, du biais que j’ai pris pour la faire souper avec nous. »

« En vérité, marquise, il faut que l’amour offusque les vues les plus perçantes. Le comte Alfred de Mareuil était certainement trop spirituel et trop au courant des choses de la vanité et du cœur, pour ignorer que ce qu’il me confiait allait redoubler mon désir de plaire à la Malagaise et de la lui enlever. Il crut cependant que je reculerais devant le mur d’airain qu’il élevait entre elle et moi. Il oublia que j’étais, comme lui, l’enfant d’une société vieillie, fort épris des plus impatientantes résistances, et très friand de tout ce qui semblait impossible.

« Aussi, à peine de Mareuil eut-il fini de parler, que j’allai me placer à côté de Mme  Annes-