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C’était quelque chose de plus ou de moins que l’amour. Tu me revenais quand je t’attendais, comme si nous avions deviné, moi, ton retour ; toi, mon attente ! Aujourd’hui, tu te maries à une jeune fille aimée. Moi, je suis bien sûre de ne plus t’aimer. Et pourtant nous voici tous deux à la même place que depuis dix ans ! Avant que tu ne fusses entré, j’avais bien raison de dire au vicomte, qui croyait me percer le cœur en m’apprenant ton mariage, qu’il n’y avait point de dénoûment possible à cette fatale et triste liaison !

— Il faut pourtant qu’il y en ait un, Vellini, — dit Marigny avec le ton résolu d’un homme qui se reprocherait une faiblesse. — Si nous avons cessé de nous aimer, du moins nous sommes restés sincères. On ne trompe pas quand on a l’âme un peu haute et quand d’ailleurs on ne s’aime plus. Ce soir, Vellini, j’étais venu pour faire ce que je n’ai pas fait avec toi chaque fois que je t’ai quittée, pour te dire un suprême et dernier adieu.

— La force de ton âme t’abuse, Ryno, — fit-elle avec une foi désespérée, — si tu crois à des adieux éternels. Tu me reviendras ! Je te le dis sans frémissement de joie, sans orgueil, sans triomphante jalousie : tu passeras sur le cœur de la jeune fille que tu épouses pour me revenir.

— Non, — dit-il, — non ! Je sais ta puis-