Page:Barbey d'Aurevilly - Le Parnasse contemporain paru dans le Nain Jaune, 1866.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. LE CONTE DE L’ISLE


M. Leconte de L’Isle ne se contente pas, lui, de se suspendre et de se balancer éternellement comme Sarah la Baigneuse entre deux imitations. Il en a trente-six pour trapèzes. C’est un vigoureux et c’est un varié. Il imite aussi M. Hugo, — M. Hugo, leur fatalité, leur ananké à tous ! — mais baste ! il en imite bien d’autres. Qui le croirait ? Il va jusqu’à imiter Ossian ; il se coule le menton dans cette barbe postiche. Il est Scandinave. Il est barbare. Il est grec. Il est persan. Il peut être persan ! Il étonnerait Montesquieu ! Il est tout enfin plutôt que d’être français, un poète du dix-neuvième siècle, un homme pour son propre compte d’humanité… tout simplement ! M. Leconte de L’Isle a choisi d’être un maître dans l’imitation systématique. C’est dommage. Il aurait pu avoir peut-être de l’originalité. Disons-lui la vérité dans la langue symbolique qu’il adore. M. Leconte de L’Isle est le véritable Hanouman de ce Parnasse contemporain. Hanouman, il le sait, est le dieu singe de la Mythologie indienne, fils de Pavana, le dieu des vents (et des poètes creux !) qu’on représente avec une longue queue, suivi d’une troupe de singes et tenant une lyre ou un éventail… Un éventail ! ce n’est pas toujours contre la chaleur de ses vers !