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M. THÉODORE DE BANVILLE


La poésie de M. Théodore de Banville n’est, en effet, rien de plus qu’une décoction fade dans un verre de Bohême vide, de la poésie d’André Chénier et de M. Victor Hugo, le grand genuine, mais de M. Hugo, faisant, hélas ! aussi de la mythologie et de l’archaïsme Renaissance, car il a de ces tristes jours… L’imitation est tellement dans l’air de ce temps sans idées et sans cœur, qu’elle monte parfois, comme une mauvaise herbaille, jusqu’au front du génie… Grec pleurant sur Vénus défunte, qu’il appelle Aphrodite avec un accent grave sur l’e pour toute invention, M. de Banville qui a soutiré à André Chénier son enjambement, et qui en abuse jusqu’au déhanchement et au déboitement le plus insupportable, n’est au fond qu’un superbe modèle de creux. Sa flûte a plus de sept trous — ou plutôt elle n’en a qu’un seul dans lequel la flûte disparaît ! On a dit de lui, avec une brutalité assez heureuse, qu’il n’était littérairement qu’une cruche qui se croyait une amphore. Or, M. Leconte de L’Isle est mieux que cela…