Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/470

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette singulière et toute-puissante artiste en vengeance, qui se dressait alors devant lui… Mais quelque chose, qu’il était étonné d’éprouver, se mêlait à sa contemplation d’observateur. Lui qui croyait en avoir fini avec les sentiments involontaires et dont la réflexion, au rire terrible, mordait toujours les sensations, comme j’ai vu des charretiers mordre leurs chevaux pour les faire obéir, sentait que dans l’atmosphère de cette femme il respirait un air dangereux. Cette chambre, pleine de tant de passion physique et barbare, asphyxiait ce civilisé. Il avait besoin d’une gorgée d’air, et il pensait à s’en aller, dût-il revenir.

Elle crut qu’il partait. Mais elle avait encore des côtés à lui faire voir dans son chef-d’œuvre.

« Et cela ? — fit-elle, avec un dédain et un geste retrouvé de duchesse, en lui montrant du doigt la coupe de verre bleu qu’il avait remplie d’or.

— Reprenez cet argent, — dit-elle. — Qui sait ? Je suis peut-être plus riche que vous. L’or n’entre pas ici. Je n’en accepte de personne. — Et, avec la fierté d’une bassesse qui était sa vengeance, elle ajouta : « Je ne suis qu’une fille à cent sous. »

Le mot fut dit comme il était pensé. Ce fut le dernier trait de ce sublime à la renverse, de ce sublime infernal dont elle venait de lui étaler