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à peine le jour, était fort mal hantée quand venait la nuit. Le Diable est le Prince des ténèbres. Il avait là une de ses principautés. Au centre, à peu près, de cette excavation, bordée d’un côté par le boulevard formant terrasse, et, de l’autre, par de grandes maisons silencieuses à portes cochères et quelques magasins de bric-à-brac, il y avait un passage étroit et non couvert où le vent, pour peu qu’il fît du vent, jouait comme dans une flûte, et qui conduisait, le long d’un mur et des maisons en construction, jusqu’à la rue Neuve-des-Mathurins. Le jeune homme en question, et très bien mis du reste, qui venait de prendre ce chemin, lequel ne devait pas être pour lui le droit chemin de la vertu, ne l’avait pris que parce qu’il suivait une femme qui s’était enfoncée, sans hésitation et sans embarras, dans la suspecte noirceur de ce passage. C’était un élégant que ce jeune homme, — un gant jaune, comme on disait des élégants de ce temps-là. — Il avait dîné longuement au Café de Paris, et il était venu, tout en mâchonnant son cure-dents, se placer contre la balustrade à mi-corps de Tortoni (à présent supprimée), et guigner de là les femmes qui passaient le long du boulevard. Celle-là était justement passée plusieurs fois devant lui ; et, quoique cette circonstance, ainsi que la mise trop voyante de cette femme