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mystérieusement et impunément tous les jours, avec une fréquence et une facilité charmantes. Demandez à tous les confesseurs, — qui seraient les plus grands romanciers que le monde aurait eus, s’ils pouvaient raconter les histoires qu’on leur coule dans l’oreille au confessionnal. Demandez-leur le nombre d’incestes (par exemple) enterrés dans les familles les plus fières et les plus élevées, et voyez si la littérature, qu’on accuse tant d’immorale hardiesse, a osé jamais les raconter, même pour en effrayer ! À cela près du petit souffle, — qui n’est qu’un souffle, — et qui passe — comme un souffle — dans le René de Chateaubriand, — du religieux Chateaubriand, — je ne sache pas de livre où l’inceste, si commun dans nos mœurs, — en haut comme en bas, et peut-être plus en bas qu’en haut, — ait jamais fait le sujet, franchement abordé, d’un récit qui pourrait tirer de ce sujet des effets d’une moralité vraiment tragique. La littérature moderne, à laquelle le bégueulisme jette sa petite pierre, a-t-elle jamais osé les histoires de Myrrha, d’Agrippine et d’Œdipe, qui sont des histoires, croyez-moi, toujours et parfaitement vivantes, car je n’ai pas vécu — du moins jusqu’ici — dans un autre enfer que l’enfer social, et j’ai, pour ma part, connu et coudoyé pas mal de Myrrhas, d’Œdipes et d’Agrippines, dans la vie privée et