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lement paternel que j’avais cru sentir dans mes entrailles s’apaisa. Rien ne bougea plus… Il est vrai qu’à quelques jours plus tard j’avais bien autre chose à penser qu’au bambin de la Pudica. Nous nous battions à Talavera, où le commandant Titan, du 9e hussards, fut tué à la première charge, et où je fus obligé de prendre le commandement de l’escadron.

« Cette rude peignée de Talavera exaspéra la guerre que nous faisions. Nous nous trouvâmes plus souvent en marche, plus serrés, plus inquiétés par l’ennemi, et forcément il fut moins question de la Pudica entre nous. Elle suivait le régiment en char-à-bancs, et ce fut là, dit-on, qu’elle accoucha d’un enfant que le major Ydow, qui croyait en sa paternité, se mit à aimer comme si réellement cet enfant avait été le sien. Du moins, quand cet enfant mourut, car il mourut quelques mois après sa naissance, le major eut un chagrin très exalté, un chagrin à folies, et on n’en rit pas dans le régiment. Pour la première fois, l’antipathie dont il était l’objet se tut. On le plaignit beaucoup plus que la mère qui, si elle pleura sa géniture, n’en continua pas moins d’être la Rosalba que nous connaissions tous, cette singulière catin arrosée de pudeur par le Diable, qui avait, malgré ses mœurs, conservé la faculté, qui tenait du prodige, de rougir jusqu’à l’épine