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belle fille, dans l’ensemble de sa personne… Mais les philtres qu’elle faisait boire n’étaient point dans sa beauté… Ils étaient ailleurs… Ils étaient où vous ne devineriez jamais qu’ils fussent… dans ce monstre d’impudicité qui osait s’appeler Rosalba, qui osait porter ce nom immaculé de Rosalba, qu’il ne faudrait donner qu’à l’innocence, et qui, non contente d’être la Rosalba, la Rose et Blanche, s’appelait encore la Pudique, la Pudica, par-dessus le marché !

— Virgile aussi s’appelait « le pudique », et il a écrit le Corydon ardebat Alexim, — insinua Reniant, qui n’avait pas oublié son latin.

— Et ce n’était pas une ironie — continua Mesnilgrand — que ce surnom de Rosalba, qui ne fut point inventé par nous, mais que nous lûmes dès le premier jour sur son front, où la nature l’avait écrit avec toutes les roses de sa création. La Rosalba n’était pas seulement une fille de l’air le plus étonnamment pudique pour ce qu’elle était ; c’était positivement la Pudeur elle-même. Elle eût été pure comme les Vierges du ciel, qui rougissent peut-être sous le regard des Anges, qu’elle n’eût pas été plus la Pudeur. Qui donc a dit — ce doit être un Anglais — que le monde est l’œuvre du Diable, devenu fou ? C’était sûrement ce Diable-là qui, dans un accès de folie, avait créé la Rosalba, pour se