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ciens distraits dans la forteresse de leurs hôtels, qui ne s’ouvraient qu’à leurs égaux, et pour qui la vie finissait à la limite de leur caste. Qu’importait ce qu’on disait d’eux, plus bas qu’eux ?… Ils ne l’entendaient pas. Les jeunes gens qui auraient pu s’insulter, se prendre de querelle, ne se rencontraient point dans les lieux publics, qui sont des arènes chauffées à rouge par la présence et les yeux des femmes.

« Il n’y avait pas de spectacle. La salle manquant, jamais il ne passait de comédiens. Les cafés, ignobles comme des cafés de province, ne voyaient guère autour de leurs billards que ce qu’il y avait de plus abaissé parmi la bourgeoisie, quelques mauvais sujets tapageurs et quelques officiers en retraite, débris fatigués des guerres de l’Empire. D’ailleurs, quoique enragés d’égalité blessée (ce sentiment qui, à lui seul, explique les horreurs de la Révolution), ces bourgeois avaient gardé, malgré eux, la superstition des respects qu’ils n’avaient plus.

« Le respect des peuples ressemble un peu à cette sainte Ampoule, dont on s’est moqué avec une bêtise de tant d’esprit. Lorsqu’il n’y en a plus, il y en a encore. Le fils du bimbelotier déclame contre l’inégalité des rangs ; mais, seul, il n’ira point traverser la place publique de sa ville natale, où tout le monde se