Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.

phine de Cantor, oh ! alors, ce fut un grondement de tonnerre de soupçons à voix basse, comme si on avait eu peur de ce qu’on disait et de ce qu’on pensait. Seulement, au fond, personne ne savait. On ne savait que la monstrueuse mésalliance, qui fit montrer au doigt le comte de Savigny et l’isola comme un pestiféré. Cela suffisait bien, du reste. Vous savez quel déshonneur c’est, ou plutôt c’était, car les choses ont bien changé aussi dans ce pays-là, que de dire d’un homme : Il a épousé sa servante ! Ce déshonneur s’étendit et resta sur Serlon comme une souillure. Quant à l’horrible bourdonnement du crime soupçonné qui avait couru, il s’engourdit bientôt comme celui d’un taon qui tombe lassé dans une ornière. Mais il y avait cependant quelqu’un qui savait et qui était sûr…

— Et ce ne pouvait être que vous, docteur ? — interrompis-je.

— C’était moi, en effet, — reprit-il, — mais pas moi tout seul. Si j’avais été seul pour savoir, je n’aurais jamais eu que de vagues lueurs, pires que l’ignorance… Je n’aurais jamais été sûr, et, — fit-il, en s’appuyant sur les mots avec l’aplomb de la sécurité complète : — je le suis !

« Et, écoutez bien comme je le suis ! » — ajouta-t-il, en me prenant le genou avec ses doigts noueux, comme avec une pince. Or,