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tion humiliante. Il y avait même, dans tout cela, une inconséquence avec le caractère impétueux qu’on attribuait à Savigny. S’il aimait Hauteclaire au point de lui sacrifier sa jeune femme, il aurait pu l’enlever et aller vivre avec elle en Italie, — cela se faisait déjà très bien en ce temps-là ! — sans passer par les abominations d’un concubinage honteux et caché. Était-ce donc lui qui aimait le moins ?… Se laissait-il plutôt aimer par Hauteclaire, plus aimer par elle qu’il ne l’aimait ?… Était-ce elle qui, d’elle-même, était venue le forcer jusque dans les gardes du domicile conjugal ? Et lui, trouvant la chose audacieuse et piquante, laissait-il faire cette Putiphar d’une espèce nouvelle, qui, à toute heure, lui avivait la tentation ?… Ce que je voyais ne me renseignait pas beaucoup sur Savigny et Hauteclaire… Complices — ils l’étaient bien, parbleu ! — dans un adultère quelconque ; mais les sentiments qu’il y avait au fond de cet adultère, quels étaient-ils ?… Quelle était la situation respective de ces deux êtres l’un vis-à-vis de l’autre ?… Cette inconnue de mon algèbre, je tenais à la dégager. Savigny était irréprochable pour sa femme ; mais lorsque Hauteclaire-Eulalie était là, il avait, pour moi qui l’ajustais du coin de l’œil, des précautions qui attestaient un esprit bien peu tranquille. Quand, dans le tous-les-jours de la