Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coin de campagne, en ce vieux château isolé, où, comme médecin, je pouvais venir quand il me plairait… — Heureux d’être délivré d’une inquiétude, Savigny m’avait dit : « Jusqu’à nouvel ordre, docteur, venez tous les jours. » Je pourrais donc étudier, avec autant d’intérêt et de suite qu’une maladie, le mystère d’une situation qui, racontée à n’importe qui, aurait semblé impossible… Et comme déjà, dès le premier jour que je l’entrevis, ce mystère excita en moi la faculté ratiocinante, qui est le bâton d’aveugle du savant et surtout du médecin, dans la curiosité acharnée de leurs recherches, je commençai immédiatement de raisonner cette situation pour l’éclairer… Depuis combien de temps existait-elle ?… Datait-elle de la disparition de Hauteclaire ?… Y avait-il déjà plus d’un an que la chose durait et que Hauteclaire Stassin était femme de chambre chez la comtesse de Savigny ? Comment, excepté moi, qu’il avait bien fallu faire venir, personne n’avait-il vu ce que j’avais vu, moi, si aisément et si vite ?… Toutes questions qui montèrent à cheval et s’en vinrent en croupe à V… avec moi, accompagnées de bien d’autres qui se levèrent et que je ramassai sur ma route. Le comte et la comtesse de Savigny, qui passaient pour s’adorer, vivaient, il est vrai, assez retirés de toute espèce de monde. Mais, enfin, une