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comme tout simple qu’elle eût trouvé une chaussure meilleure à son pied que cette sandale de maître d’armes qu’elle y avait mise, Hauteclaire Stassin, en disparaissant, n’eut personne pour elle. Elle avait, en s’en allant, offensé l’amour-propre de tous ; et même ce furent les jeunes gens qui lui gardèrent le plus rancune et s’acharnèrent le plus contre elle, parce qu’elle n’avait disparu avec aucun d’eux.

« Et ce fut longtemps leur grand grief et leur grande anxiété. Avec qui était-elle partie ?… Plusieurs de ces jeunes gens allaient tous les ans vivre un mois ou deux d’hiver à Paris, et deux ou trois d’entre eux prétendirent l’y avoir vue et reconnue, — au spectacle, — ou, aux Champs-Élysées, à cheval, — accompagnée ou seule, — mais ils n’en étaient pas bien sûrs. Ils ne pouvaient l’affirmer. C’était elle, et ce pouvait bien n’être pas elle ; mais la préoccupation y était… Tous, ils ne pouvaient s’empêcher de penser à cette fille, qu’ils avaient admirée et qui, en disparaissant, avait mis en deuil cette ville d’épée dont elle était la grande artiste, la diva spéciale, le rayon. Après que le rayon se fut éteint, c’est-à-dire, en d’autres termes, après la disparition de cette fameuse Hauteclaire, la ville de V… tomba dans la langueur de vie et la pâleur de toutes les pe-