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soupers de vos coquines, si c’est une manière inventée par vous de m’en donner des nouvelles que de me parler, ce soir de Don Juan.

— Je n’invente rien, madame. Les coquines du souper en question, si ce sont des coquines, ne sont pas les miennes… malheureusement…

— Assez, monsieur !

— Permettez-moi d’être modeste. C’étaient…

— Les mille è trè ?… — fit-elle, curieuse, se ravisant, presque revenue à l’amabilité.

— Oh ! pas toutes, madame… Une douzaine seulement. C’est déjà, comme cela, bien assez honnête…

— Et déshonnête aussi, — ajouta-t-elle.

— D’ailleurs, vous savez aussi bien que moi qu’il ne peut pas tenir beaucoup de monde dans le boudoir de la comtesse de Chiffrevas. On a pu y faire des choses grandes ; mais il est fort petit, ce boudoir…

— Comment ? — se récria-t-elle, étonnée. — C’est donc dans le boudoir qu’on aura soupé ?…

— Oui, madame, c’est dans le boudoir. Et pourquoi pas ? On dîne bien sur un champ de bataille. On voulait donner un souper extraordinaire au seigneur Don Juan, et c’était plus digne de lui de le lui donner sur le théâtre de sa gloire, là où les souvenirs fleurissent à la place des orangers. Jolie idée, tendre et mélan-