Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’ancienne monarchie avant qu’elle fût cassée, cette vieille porcelaine de Sèvres. Don Juan, lui, malgré toutes les démocraties, est un monarque qu’on ne cassera pas.

— Au fait, le diable est immortel ! dit-elle, comme une raison qu’elle se serait donnée.

— Il a même…

— Qui ?… le diable ?…

— Non, Don Juan… soupé, il y a trois jours, en goguette… Devinez où ?…

— À votre affreuse Maison-d’Or, sans doute…

— Fi donc, madame ! Don Juan n’y va plus… il n’y a rien là à fricasser pour sa grandesse. Le seigneur Don Juan a toujours été un peu comme ce fameux moine d’Arnaud de Brescia qui, racontent les Chroniques, ne vivait que du sang des âmes. C’est avec cela qu’il aime à roser son vin de Champagne, et cela ne se trouve plus depuis longtemps dans le cabaret des cocottes !

— Vous verrez, — reprit-elle avec ironie, — qu’il aura soupé au couvent des Bénédictines, avec ces dames…

— De l’Adoration perpétuelle, oui, madame ! Car l’adoration qu’il a inspirée une fois, ce diable d’homme ! me fait l’effet de durer toujours.

— Pour un catholique, je vous trouve profanant, — dit-elle lentement, mais un peu crispée, — et je vous prie de m’épargner le détail des