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elle, je ne me rends compte de la possibilité d’aucune existence. Elle est la force de cohésion qui soude l’un à l’autre les atomes de la matière. Elle est le souffle, l’âme, la conservatrice, non pas seulement de tout ce qui vit, mais encore de tout ce qui végète. Sans elle, ces myriades de trompes capillaires, par où l’arbre aspire la sève, deviennent inertes, et l’arbre périt ; sans elle, la fleur oublie de tourner son calice au vent chargé de pollen et se dessèche dans la stérilité. Son action sur nous est encore plus saisissante. Langues, arts, sciences, industries, elle est l’origine, la source de toutes les merveilles que l’homme doit aux hommes. Elle est l’aiguillon infatigable qui nous inquiète dans l’inaction et nous jette dans le chemin de la perfectibilité. Elle nous féconde, elle est la mère des grandes pensées et des grandes actions. Beaucoup de ceux qui sont grands parmi les hommes sont fils de la douleur, à ce point qu’on pourrait dire : Celui-là sera le plus grand parmi vous qui aura le plus souffert. Aussi, les gens de bonne volonté, qui, pleins d’enthousiasme, se sont levés avec l’ambition de soustraire l’homme à la douleur, outre qu’ils ont échoué devant l’impossible, me semblent-ils, si grand qu’ait été leur génie, avoir prouvé plus de sentiment que de pénétration.

— C’est trop fort ! s’écria Clément avec une sorte de fureur. Comment ! tu t’estimes heureux de souffrir ! Comment ! un désir légitime que tu ne peux contenter