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Ce qui était contradictoire, il disait : Je serai heureux ! de la manière dont on dit : Ah ! que je souffre ! Max ne lui en fit pas moins remarquer que son bonheur d’aujourd’hui, fût-il réel et profond, ne lui permettait d’aucune façon de préjuger celui de l’avenir.

« Ce que je tiens, s’écria Clément, il n’est pas de puissance humaine qui puisse faire que je m’en dessaisisse. Quant aux idées qui prétendraient me troubler intérieurement, j’en connais trop bien la source artificielle pour manquer jamais de la force de les fouler aux pieds. Craindrais-je les hommes ? Rien n’est plus facile que de leur en imposer. Je mentirai effrontément en leur présence, je me montrerai à eux tel qu’ils veulent que je sois, et j’aurai leur considération.

— Es-tu donc aussi assuré contre l’impuissance de vivre avec toi-même ? demanda Destroy.

— Après ? fit Clément. Je serai toujours le maître de mettre un terme à une vie insupportable. Las de jouissances ou d’ennuis, j’embrasserai la mort, je me plongerai dans le néant, je m’endormirai d’un sommeil éternel.

— Qu’en sais-tu, dit Max avec commisération.

— Un Dieu ne saurait être ! répliqua Clément d’un ton de véhémence indicible. D’où sortirait-il ? Pourquoi serait-il plutôt Dieu que moi ? D’ailleurs, ce Dieu qui connaîtrait le passé et l’avenir, qui embrasserait