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y était entré au titre le plus humble. Des dehors séduisants, de l’application, une précoce intelligence des affaires, et notamment une souplesse d’esprit peu commune, lui avaient rapidement concilié les bonnes grâces du patron ; et, tout entier à l’ambition d’exploiter cette bienveillance, il avait fait un chemin qui, vu le point de départ, dut le surprendre lui-même. En moins de dix années, après en avoir employé la moitié au plus à conquérir la place de premier commis, il était devenu, sans posséder un sou vaillant, l’associé de M. Ducornet, puis son gendre, finalement son successeur. Jusque-là, il est vrai, rien n’était plus légitime. Mais comment devait-il en user et acquitter sa dette envers une famille qui, eu égard seulement au chiffre de sa fortune, pouvait exiger dans un gendre bien autre chose que du mérite.

Son beau-père mourut. A observer l’effet de cette mort sur Thillard, on eût dit d’un homme qu’on débarrasse de chaînes pesantes, à la suite d’une longue et dure réclusion. Toute la vertu de son passé n’était qu’une imperturbable hypocrisie. Actuellement, aux plus mauvais instincts, à un égoïsme incommensurable, il fallait joindre une vanité sans contre-poids de parvenu et le vertige dont le frappait l’éclat d’une fortune inespérée. Sa femme et sa belle-mère, engouées de lui à en perdre toute clairvoyance, ne discontinuèrent pas d’être ses dupes et