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fortune. Cela ne lui suffisait pas. Il voulait avoir des millions avant de retourner en Europe. Son intention était d’y fonder des établissements utiles.

Encouragé par cette confiance, Sosthènes s’était hasardé à le questionner sur son incurable mélancolie. Clément eut l’air embarrassé, « J’ai perdu une femme que j’adorais, » dit-il enfin en détournant la tête. « Je comptais passer mes vieux jours avec elle. Sa mort m’a laissé entièrement seul, puisque aussi bien, comme vous voyez, mon fils est innocent. Depuis cette perte, je n’ai pas goûté une heure de repos. Ma douleur croît même avec le temps. » Sosthènes se rappelait encore ces paroles : « Je n’ai jamais ni faim ni soif, je ne dors presque pas, quand le travail auquel je m’assujettis briserait l’organisation la plus robuste. Au milieu des plus rudes fatigues, je ne puis trouver l’oubli : mon esprit reste libre et travaille de son côté. Quand je suis prêt à tomber d’épuisement, je le suis aussi à succomber sous le poids de mes souvenirs. J’ignore comment je puis vivre ainsi. Il faut que la vie tienne au corps d’une étrange façon. » Et comme Sosthènes s’étonnait d’une douleur aussi persistante : « Oh ! reprit Clément d’un accent et d’un air à tirer les larmes des yeux, j’ai aussi une maladie cruelle qui exerce son influence sur moi. Je fais tout au monde pour me distraire, pour chasser les