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Quand je dis moi, je parle également de la pauvre Rosalie qui se sentait heureuse rien qu’à l’idée de voir ce fils grandir à ses côtés. Quelles ne furent donc pas nos inquiétudes, notre anxiété, quand, à mesure que l’enfant se développait, nous aperçûmes sur son visage des lignes qui rappelaient de plus en plus celui d’une personne que nous eussions voulu à jamais oublier. Ce ne fut d’abord qu’un doute sur lequel nous gardâmes le silence même vis-à-vis l’un de l’autre. Puis, la physionomie de l’enfant approcha à ce point de celle de Thillard, que Rosalie m’en parla avec épouvante, et que moi-même je ne pus cacher qu’à demi mes cruelles appréhensions. Enfin, la ressemblance nous apparut telle, qu’il nous sembla vraiment que l’agent de change fût rené en notre fils. Le phénomène eût bouleversé un cerveau moins solide que le mien. Trop ferme encore pour avoir peur, je prétendis rester insensible au coup qu’il portait à mon affection paternelle, et faire partager mon indifférence à Rosalie. Je lui soutins qu’il n’y avait là qu’un hasard : j’ajoutai qu’il n’était rien de plus changeant que le visage des enfants, et que, probablement, cette ressemblance s’effacerait avec l’âge ; finalement, qu’au pis aller, il nous serait toujours facile de tenir cet enfant à l’écart. J’échouai complètement. Elle s’obstina à voir dans l’identité des deux figures un fait providentiel, le germe d’un châtiment effroyable qui tôt ou tard devait