Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’avait persécutée avec une ténacité analogue plusieurs nuits de suite. Je simulai un profond dédain et tâchai de la convaincre qu’elle avait été dupe tout uniment d’une hallucination. Je compris, au chagrin qui s’empara d’elle et se tourna insensiblement en cette langueur où vous l’avez vue, que je n’avais point réussi à lui inculquer mon sentiment. Une grossesse pénible, agitée, équivalente à une maladie longue et douloureuse, empira encore ce malaise d’esprit ; et, si un accouchement heureux, en la comblant de joie, eut une influence salutaire sur son moral, ce fut de bien courte durée. Je me vis contraint, par-dessus cela, de la priver du bonheur d’avoir son enfant auprès d’elle, puisque, par rapport à mes ressources officielles, une nourrice à demeure chez moi eût paru une dépense au-dessus de mes moyens.

« Émus de sentiments à figurer dignement dans une pastorale, nous allions voir notre enfant de quinzaine en quinzaine. Rosalie l’aimait jusqu’à la passion, et moi-même, je n’étais pas loin de l’aimer avec frénésie ; car, chose singulière, sur les ruines amoncelées en moi, les instincts de la paternité seuls restaient encore debout. Je m’abandonnais à des rêves ineffables ; je me promettais de faire donner une éducation solide à mon enfant, de le préserver, s’il était possible, de mes vices, de mes fautes, de mes tortures ; il était ma consolation, mon espérance.