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notre liaison. Elle l’avait désespéré par des refus opiniâtres…

« Au jour où le monde n’était plus pour nous qu’une île aride et déserte, où l’on me traitait littéralement en lèpre vivante, elle songea à cet homme. Comment ? pourquoi ? Je ne sus sa démarche qu’au retour. De son aveu, elle avait eu la faiblesse de compter sur lui en raison même de l’offense qu’elle lui avait faite. Une femme seulement pouvait tomber en cette erreur. Oui, en vérité, Thillard, à la nouvelle de notre détresse, fut ému ; mais ému d’avoir une aussi belle occasion d’assouvir sa rancune ; et s’il jura n’avoir à m’offrir qu’une place d’employé subalterne dans ses bureaux, il est hors de doute que ce fut uniquement en vue de m’infliger l’humiliation qu’il jugea la plus insultante pour moi.

« Il y avait, en effet, mille à parier contre un que je refuserais dédaigneusement. Rosalie, elle, le croyait si bien, que sa première parole fut l’expression d’une crainte : « Tu vas te mettre en colère… » A dire vrai, je sentis une tempête dans mes veines, mais aussi vite éteinte qu’une flamme de poudre. Je ne disposais déjà plus librement de moi. A la suite de courtes réflexions, j’envisageai Rosalie, et lui dis, quand elle pensait me voir éclater de fureur : « Puisque tu tiens encore à vivre et refuses de me quitter, je dois avaler les affronts comme l’ivrogne fait du vin qu’on lui verse. Il ne s’agit que