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Je la reconnus.

— Tiens, Tête-Bleu ! c’est mon ami Nepomucène Brind’avoine, le bohême. Par quel hasard te rencontré-je dans cette rue de la Tourelle.

Nepomucène me regarda d’un œil hagard.


IV.

OÙ L’OMBRE CONTINUE À PARLER.


— Je perche dans cette rue depuis un mois, me raconta Nepomucène. Je suis malheureux, ajouta-t-il.

Je résolus alors de ne pas finir ma journée sans faire une bonne action, comme Titus.

— Viens avec moi, dis-je à Nepomucène.

Où ?

— Viens, te dis-je.

— Je n’irai pas par cette rue.

— Pourquoi ?

— L’épicier du coin me doit. On le voit de loin, regarde, il ferme son magasin.

— Je ne te comprends pas.

— Il me doit quelques bouteilles d’eau-de-vie et du tabac.

— Qu’importe cela ?

— Je ne puis passer, par modestie ! par pudeur !

— Comment ! tu es créancier d’un bourgeois parvenu, et par pudeur ou modestie, tu n’oses passer devant la porte de ton débiteur !

— Hélas ! je suis ainsi fait, mon ami.

— Alors, passons par la rue Richelieu.

— Quelle grandeur d’âme !


V.

CHERCHEZ ET VOUS TROUVEREZ CE QUE FAISAIT ARCHIMÈDE AVANT DE PRONONCER LE MOT « EUREKA » : EN CHERCHANT ON TROUVE.


Nepomucène est un ami d’enfance, un type à la façon des héros de la vie de Bohême de Murger. Il aime à boire. Comme Musset, son verre n’est pas grand, mais il boit dans son verre.

Ce soir là je voulus être pour lui une Providence.

— Où vas-tu, me demanda-t-il, et que cherches-tu ?

— Je ne sais où je vais. Qui sait où nous allons dans la vie.

— Très-bien, mais que cherches-tu ?

— Je cherche un épicier.

— Un épicier !