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Ton insensible cœur à leurs vœux se refuse.
Ophélie, ah ! Reviens de l'erreur qui t'abuse !
Sauve ton père et toi ; mon sort sera trop doux. »
Il achevait ces mots : chancelant, hors d'haleine,
S'avance, l'oeil en pleurs, un débile vieillard ;
Chargé d'ans et de maux, il se soutient à peine.
Il jette sur sa fille un douloureux regard,
Et d'une voix tremblante : « O fille infortunée !
Ce n'est point pour sauver quelques jours languissants
Que ma vieillesse en deuil, vers la tombe entraînée,
Au milieu des sanglots, t'adresse ces accents ;
Mais laisse-toi fléchir ; prends pitié de toi-même :
Par ces cheveux blanchis, ces regrets paternels,
Au nom d'un peuple entier qui gémit et qui t'aime,
N'appelle plus la mort par tes vœux criminels ! »
Il dit, et dans ses pleurs sa faible voix expire.
Ophélie à ses pleurs oppose un front serein ;
Le calme est sur ses traits quand son cœur se déchire.
Mais le dieu qu'elle implore affermit son dessein,
Et lui montre déjà les palmes du martyre.
« Cessez de m'arrêter sur les bords du tombeau,
Dit-elle ; l'heure sonne, il faut quitter la vie.
Osez me plaindre encor, lorsque pour Ophélie
De l'immortalité s'allume le flambeau !
Adieu, ne pleurez pas celle qui vous fut chère.
Dans un monde nouveau j'emporte votre amour ;
Cet espoir me soutient au bout de ma carrière,
Et la mort est pour moi l'aurore d'un beau jour.