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Debout près d'un ami qui lutte vainement
Contre toute l'horreur de son dernier moment,
Nous soutenons en pleurs sa tête qui succombe,
S'échappe de nos bras et penche vers la tombe,
Alors le charme cesse ; alors, autour de nous,
La terreur épaissit un nuage jaloux ;
Nous perdons des plaisirs la trace fugitive,
Et d'un monde riant la douce perspective.
Avertis du néant de nos illusions,
Dans notre sein glacé meurent les passions ;
Mais le cercueil à peine a dévoré sa proie,
Un ascendant fatal nous ramène à la joie.
Dans nos yeux obscurcis roulent encor des pleurs,
Et déjà l'allégresse habite dans nos cœurs.
Nous devenons bientôt pour l'ami le plus tendre
Aussi froids que le marbre où repose sa cendre,
Plus étrangers à lui que ces troupeaux errants
Qui sur son lit de mort paissent indifférents.

Où va ce jeune amant, troublé, hors de lui-même ?
Hélas ! Le malheureux a perdu ce qu'il aime.
Les parfums du matin et l'or de ses rayons
Se jouant sur la plaine et la cime des monts,
La paix des champs, les soins de l'amitié fidèle,
Rien ne distrait son âme et sa langueur mortelle ;
Pour lui tout est muet, triste dans l'univers.
Les cieux d'un voile sombre à peine sont couverts ;
Il dirige ses pas vers l'enceinte sacrée
Où dort de nos aïeux la cendre révérée.