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Eh ! Comment oublier qu'il nous faut tour-à-tour
Passer les sombres bords qu'on passe sans retour ?

Par quel enchantement, quelle erreur criminelle,
L'homme ne voit-il pas, hideuse sentinelle,
À sa porte veiller l'inexorable mort ?
Elle crie... il l'entend, s'éveille, et... se rendort !
De maux et de périls cette terre semée
En un champ de bataille est en vain transformée :
En vain aux yeux de l'homme, et jusqu'à ses côtés,
Mille braves soldats tombent ensanglantés ;
En vain du trait fatal il est atteint lui-même ;
Pâle et déjà touchant à son heure suprême,
Prêt à s'offrir sans voile aux yeux de l'éternel,
Environné de morts, il se croit immortel.

Ô fol aveuglement ! Qu'un vieillard de notre âge,
Chancelant et courbé, s'offre à notre passage ;
Notre oeil sur ce terrible et fidèle miroir
S'arrête indifférent, et ne sait rien y voir.
Ce front chauve, ces traits que les rides sillonnent,
Tous ces pas que la mort et la tombe environnent,
Nous les voyons sans trouble ; et, gais comme à vingt ans,
Ce vieillard, disons-nous, ne vivra pas long-temps.
Accablés, comme lui, de tourments et d'années,
Nous espérons encor de longues destinées ;
Nous croyons (et tel est notre malheureux sort)
Que l'homme à force d'ans triomphe de la mort.

Mais lorsqu'autour d'un lit où veillent les alarmes,
Le cœur gros de soupirs et l'oeil noyé de larmes,