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Depuis ce jour fatal je pleure son trépas,
Et ne vois point la tombe ouverte sous mes pas.
Oui, telle est ici-bas notre démence extrême ;
L'homme dans l'esclavage, ou ceint du diadême,
Jouet des passions, du monde et de son cœur,
Flotte de peine en peine, et d'erreur en erreur :
Et pourtant je ne sais quel instinct déplorable
L'invite à prolonger le tourment qui l'accable.
Tel qu'on voit d'Ispahan le ver laborieux
Tresser d'un réseau d'or le fil industrieux ;
Tel l'homme s'environne, au déclin de la vie,
De ses voiles brillants, tissus par la folie.
Un pied dans le cercueil, n'ose-t-il pas encor
Donner à ses désirs un chimérique essor ;
Et soi-même excusant cette lâche faiblesse,
Pour l'avenir douteux réserver la sagesse ?

Quand un sang généreux fait palpiter son sein ;
Séduite par l'éclat d'un jour pur et serein,
La jeunesse s'embarque, et follement ravie,
Brave, dans ses écueils, le détroit de la vie.
Dans sa fougueuse ardeur tout lui semble permis.
Les astres, les saisons et les vents sont amis ;
Mais l'ouragan se lève et l'éclair étincelle.
La tempête poursuit l'imprudente nacelle,
Et, trompant les efforts des jeunes matelots,
Les précipite, en foule, au sein des vastes flots.
Qui put leur inspirer un tel excès d'audace ?
Devaient-ils de la mort oublier la menace ?