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Rions, et soyons ceux qui veulent bien mourir.
Soyons Athéniens ! Si quelqu’un examine
Les enfants des héros qui firent Salamine,
Qu’il reconnaisse en nous ces hommes surhumains !
Lorsque l’invasion marchait dans nos chemins,
Affreuse, et que les Dieux eux-mêmes étaient tristes,
Qui sut le mieux mourir parmi nous ? Les artistes.
Et plus d’un tomba, jeune et l’œil étincelant,
Dont une Muse avait baisé le front sanglant !
Alors que Xercès, fou de sa gloire emphatique,
Jetait des millions de guerriers sur l’Attique,
Quand l’Asie en fureur inondait tous nos champs,
Le peintre, le sculpteur, le poète aux doux chants,
Ô Pallas ! ont bien su combattre pour ta ville ;
Et ce fut un soldat fidèle, cet Eschyle
Dont la tombe ne dit qu’un mot, selon ses vœux,
C’est qu’il fut bien connu du Mède aux longs cheveux.
Ah ! quand nous marcherons dans les noires mêlées,
Songeons dans notre esprit aux divins propylées,
Et représentons-nous les temples radieux
Où Phidias, brillant de gloire, a mis les Dieux.
Oui, pour que la victoire, amis, nous soit aisée,
Il faut, cela convient aux enfants de Thésée,
Faire à l’heure présente ainsi qu’auparavant.
Car Sophocle est vivant ! Euripide est vivant !
Et déjà le laurier d’Eschyle orne leurs têtes.
Allons donc au théâtre apprendre des poètes
Comment dans un pays grandi par les revers
Les belles actions renaissent des beaux vers.
Soyons tels que le jour où le trépas rapide
Viendra prendre Alcamène ou le jeune Euripide,
On ait assez parlé de ce grand citoyen
En écrivant de lui : C’est un Athénien.
Les Dieux, dont la colère agite ma parole,
Nous regardent, baignés d’azur, sur l’Acropole :