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le répertoire, et, avec un effort acharné, il est impossible que vous n’y parveniez pas.

Votre mot caractéristique est trouvé, et vous, savez que vous devez le placer à la rime. Reste à trouver la rime qui sera la jumelle de celle-là. Vous la chercherez ou, comme la première, dans votre mémoire, ou dans un bon dictionnaire des rimes, que d’ailleurs vous ne tarderez pas à sa- voir par cœur. Mais ici pas de vaine gloriole, et sachez vous traiter vous-même avec la dernière sévérité. Un grand poëte, un poëte quelconque même, fait ce qu’il veut et ce que son inspiration lui dicte. Mais vous devez n’employer jamais que des rimes absolument brillantes, exactes, solides et riches, dans lesquelles on trouve toujours la con- sonne d’appui, et qui soient d’autant plus vigou- reuses que vous aurez choisi une consonnance qui termine dans le dictionnaire un plus grand nombre de mots. Et surtout ne me parlez pas d^ Alfred de Musset, car si vous le lisez autrement que pour Tadmirer, vous êtes un homme perdu ! Musset, chanteur prédestiné, sorte d’Apollon en- fant à la chevelure de lumière, dévoré de génie et d’amour, a pu, quand il l’a voulu, mettre à la fin de ses vers des rimes insuffisantes, et aussi n’y pas mettre de rimes du tout. Mais vous qui êtes non pas un homme de génie, mais un simple bour-