Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime. On dirait, quand tu veux, qu’elle vient te chercher, Jamais au bout du vers on ne te voit broncher; Et, sans qu’un long détour t’arrête ou t’embarrasse, A peine as-tu parlé qu’elle-même s’y place. je n’insisterai pas sur f arrête ou t’embarrasse, que M. Scribe a si heureuseinaent imité dans son vers célèbre : Quoi qu’il advienne ou qu’il arrive. Les Huguenots, Acte III , Scène iv. Mais Boileau s’étonne que la Rime vienne chercher Molière, quand il veut; elle fait ainsi son état de Rime ; il faut qu’elle vienne chercher le poëte, et elle y viendrait tout de même, quand il ne le voudrait pas ! Boileau admire qu’on ne voie jamais Molière broncher au bout du vers; mais comment y broncherait-il, puisque ce bout du vers est la portion du vers qui est toujours trouvée la première? Tout au plus Molière pour- rait-il broncher au commencement du vers, ce qui encore serait peu explicable chez un grand artiste comme il l’est. Pour la même raison, il est trop naturel que la Rime se place d’elle-même au bout du vers, puisqu’elle a commencé par y être placée avant que le reste du vers ne fut trouvé. Plus loin, Boileau (parlant toujours de- la Rime) s’écrie piteusement : En vain, pour la trouver, je travaille et je sue.
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