pour la gloire de vingt poëtes, fait résonner d’une main émue et si hardie les cordes les plus héroïques, les plus tendres, les plus passionnées de la lyre. Mais plutôt que de restituer aux Fables leur vrai caractère, on a mieux aimé oublier ou dédaigner ces ouvrages remplis d’éclatantes beautés, que font pâlir, malgré tout, la renommée des Fables, lumineuse comme le soleil. Apollon s’ennuie sur le Parnasse, dans la verdoyante vallée de Phocide où la fontaine Castalie murmure son chant de cristal, et, pour se distraire, il veut entendre une histoire d’amour racontée en beaux vers ; mais, par le plus adorable et le plus excessif raffinement d’esprit, il veut que chacune des neuf Muses lui dise à son tour ce même conte : Clio, tenant à la main son clairon hardi, Melpomène armée du poignard, Thalie au brodequin d’or, Uranie couronnée d’étoiles, Érato possédée du démon lyrique, et toutes leurs sœurs, chacune selon l’habitude de son génie, et Terpsichore elle-même arrêtera le vol de ses petits pieds bondissants pour se mêler à ce tournoi du bien dire et aux jeux de cette divine cour d’amour. Recommencer neuf fois le même récit! est-il possible d’imaginer un problème littéraire plus audacieux, plus effroyable à résoudre ? et quel autre que La Fontaine eût osé le rêver ? Il est tout entier dans une
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