Page:Banville - Petit Traité de poésie française, 1881.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résume les épopées antérieures à la sienne, au Gœthe qui dérobe le docteur Faust aux marionnettes de la foire, au Molière qui prend des farces de tréteau et de grand chemin et qui en fait Les Fourberies de Scapin et Sganarelle. L’invention, c’est le tour des pensées, c’est la vie des personnages, ce sont ces traits qui peignent, qui jugent, qui ravissent, c’est cette personnalité du poëte, éclatant d’autant plus qu’il s’efface mieux derrière ses personnages : c’est cette puissance de création et d’incarnation qui rend La Fontaine inimitable. Qu’on retrouve quatre vers inédits de La Fontaine, tout le monde en nommera l’auteur du premier coup, et aucun pastiche ne pourra supporter une seule minute la comparaison. De ce que l’expression est toujours naturelle et vraie dans les Fables, de ce que la justesse, le rapport exact de la pensée avec le mot y établissent une merveilleuse harmonie, on a dit bien à tort qu’elle est toujours simple ; au contraire, elle est souvent grandiose, épique, parfois lyrique ou élégiaque, essentiellement vaiîée ; mais tous ces tons divers sont fondus avec une puissance qui fait illusion. Le poëte héroïque d’Adomis et de La Captivité de Saint Malo se retrouve partout dans les Fables, et on y revoit sans cesse l’écrivain fécond qui dans tant de poëmes, d’élégies, de ballades, suffisants