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deux cruels critiques, puisque l’histoire, le temps, la voix universelle ont jugé après eux et mieux qu’eux. Mais pour certains esprits routiniers, l’affirmation d’un vers proverbe prévaudra toujours même sur le dernier mot donné par les événements, et Boileau dont ses admirateurs n’apprécient le plus souvent ni le talent d’observation ni la verve comique, est surtout glorifié par eux, parce qu’il leur évite la peine de penser.

Un immense effort avorté, un prodigieux élan d’enthousiasme stérile, tel est en effet le caractère sous lequel nous apparaît la vie de Ronsard, si nous ne voulons pas comprendre combien de récentes victoires lui sont dues. Il nous a donné le nom de l’Ode, et l’ode elle-même ; pour cela seulement ne mériterait-il pas des statues, comme un roi ? Ronsard arrive et trouve table rase; la corde de Villon est rompue à jamais, le plaisant Marot ne chante plus, la frivolité des poètes français oblige les grands esprits à écrire en langue latine ; qui donnera la formule d’un art nouveau ? Cette formule, ce n’est rien et c’est tout; elle se résume à ceci : n’écrivons pas en latin, mais imitons les Latins eux-mêmes en nous désaltérant comme eux à la source grecque ! Ce n’est pas assez de traduire l’Iliade, comme