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forment six vers, étant d’une part physiquement plus courts que les quatrains, qui à eux deux forment huit vers, — et d’autre part semblant infininiment plus courts que les quatrains, — à cause de ce qu’il y a d’allègre et de rapide dans le tercet et de pompeux et de lent dans le quatrain ; — le Sonnet ressemble à une figure dont le buste serait trop long et dont les jambes seraient trop grêles et trop courtes. Je dis ressemble, et je vais au-delà de ma pensée. Il faut dire que le Sonnet ressemblerait à une telle figure, si l’artifice du poëte n’y mettait bon ordre.

Quel doit être cet artifice ?

Assurément, il ne peut consister à amoindrir les quatrains et à leur donner l’aspect d’un corps atrophié, car il ne faut jamais sous aucun prétexte et pour atteindre n’importe quel but, faire des vers mesquins. L’artifice doit donc consister à grandir les tercets, à leur donner de la pompe, de l’ampleur, de la force et de la magnificence. J’ai dit plus haut comment le poëte doit s’y prendre en pareil cas, — s’étant débarrassé d’abord des explications, des incidences, et ne gardant que les grands mots sonores, descriptifs et qui portent coup. Mais ici il s’agit d’exécuter ce grandissement sans rien ôter aux tercets de leur légèreté et de leur rapidité essentielles. Ceux-là me compren-