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Sonnet régulier : c’est celle dont je donne les deux exemples suivants.


SONNET RÉGULIER, EN VERS DE DOUZE SYLLABES, COMMENÇANT
PAR UN VERS FÉMININ.


Les Danaïdes.


Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche,
Théano, Gallidie, Amymone, Agavé,
Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
Courent du puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.

Hélas ! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche.
Et le bras faible est las du fardeau soulevé :
— « Monstre, que nous avons nuit et jour abreuvé,
« Ô gouffre, que nous veut ta soif que rien n’étanche ? »

Elles tombent, le vide épouvante leurs cœurs ;
Mais la plus jeune alors, moins triste que ses sœurs.
Chante, et leur rend la force et la persévérance.

Tels sont l’œuvre et le sort de nos illusions :
Elles tombent toujours, et la jeune Espérance
Leur dit toujours : « Mes sœurs, si nous recommencions ! »

Sully-Prudhomme. Les Danaïdes. Poésies, 1866-1872.


SONNET RÉGULIER, EN VERS DE DOUZE SYLLABES, COMMENÇANT
PAR UN VERS MASCULIN.


Le Lys.


Hors du coffret de laque aux clous d’argent, parmi
Les fleurs du tapis jaune aux nuances calmées,
Le lourd collier massif qu’agrafent deux camées
Ruisselle et se répand sur la table à demi.