L’Ode est presque toujours composée à la fois de grands et de petits vers. Préparations, explications, phrases accessoires, tout ce qui n’est pas l’éclat de la strophe et le mot destiné à peindre doit entrer dans le grand vers, pour ne laisser au petit vers que les effets décisifs et les mots splendides, car tout l’artifice du poëte doit aboutir non-seulement à harmoniser le petit vers avec le grand vers, mais en quelque sorte à faire paraître le petit vers plus long que le grand vers :
Ces tronçons déchirés, épars, près d’épuiser
Leurs forces languissantes,
Se cherchaient, se cherchaient, comme pour un baiser
Deux bouches frémissantes !
Et comme je rêvais, triste et suppliant Dieu
Dans ma pitié muette,
La tête aux mille dents rouvrit son œil de feu
Et me dit : « Ô poète !
« Ne plains que toi ! ton mal est plus envenimé,
« Ta plaie est plus cruelle ;
« Car ton Albaydé dans la tombe a fermé
« Ses beaux yeux de gazelle.
« Ce coup de hache aussi brise ton jeune essor.
« Ta vie et tes pensées
« Autour d’un souvenir, chaste et dernier trésor,
« Se traînent dispersées.