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le thermomètre, l’alambic, le paratonnerre ! — « Mais alors, eût-il demandé, à quoi bon être académicien, si c’est pour parler comme tout le monde ? » Et il aurait eu raison, car un académicien, qui fait le dictionnaire, a le droit d’être incompréhensible, s’il le veut ; mais un bon poëte est tenu de désigner chaque objet par le nom qui lui est propre.


J’appelle un chat un chat et Rolet un fripon,


fait dire au Damon de sa première satire, Boileau, qui cette fois se trompe encore ; car il faut appeler un chat un chat, mais appeler Rolet un fripon, même s’il est un fripon, c’est emprunter la rhétorique des dames de la halle. Et puisque nous avons tout juste à point rencontré Boileau, citons encore un exemple (le dernier !) dans le- quel l’auteur de L’Art Poétique prouve, sans re- cours, que les explications techniques ne doivent pas être données en vers. Après avoir parlé des poètes scrupuleux qui n’osent défigurer l’histoire, et pour lesquels Apollon, à ce qu’il prétend, fut toujours avare de son feu, il donne à ce propos les règles du Sonnet, dans les termes que voici :


Apollon de son feu leur fut toujours avare.
On dit, à ce propos, qu’un jour ce Dieu bizarre,