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vertu, le respect de la patrie, l’amitié sainte, la vénération filiale, au souffle de Valentine tout tombe en cendres dans les cœurs desséchés et brûlés. Le jeune homme égorge pour elle son avenir et l’avenir des siens ; et sous la bise de janvier, le père de famille se promène sous la fenêtre de Valentine, serrant entre ses mains la dot de ses filles qu’il vient de voler. Le fils de son portier, enfant de treize ans, est amoureux d’elle et vole sa mère pour lui envoyer des bouquets de camellias.

Surtout, souvenez-vous qu’il s’agit ici des Parisiennes, et n’allez pas commettre la faute de vous figurer Valentine sous les traits effroyables et magnifiques d’une belle Furie, secouant des chevelures de serpents et des torches flamboyantes. Valentine est jeune et jolie, elle a l’air décent et distingué, parfaitement élégant et assez honnête. Les bandeaux lisses, à rouleaux revenant pardessus, emploient à merveille ses cheveux bruns ; ses yeux noirs, grands, noyés et étonnés, son nez presque régulier, ses lèvres où le minium n’a pas été épargné et dont les coins sont heureusement coupés, et sa prestance déjeune première s’arrangent à souhait avec les chiffons de Laure et de Palmyre et avec les extravagances des dentelles. Enfin, Valentine, qui touche un peu du piano, a surtout un vrai talent pour le style épistolaire et personne n’écrit mieux qu’elle la fameuse lettre : « Mon cher bien-aimé, il est trois heures du matin et je m’éveille toute triste. Tu sais comme ta Valentine devine ce qui te touche. Il me semble que tu dois souffrir, et, par je ne sais quel pressentiment, je sens que quelque chose t’afflige en ce moment même. Rassure tout de suite celle dont tu es la seule vie... » Maintenant voici son histoire :

Valentine passe pour la fille naturelle de ce vicomte