Page:Banville - Les Parisiennes de Paris.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est une horrible chose et que les hommes sont de méchantes bêtes, — et je te rapporte les quatre sous de lait dans ta boîte au lait. »

— Ma fille, répond la mère, tu en sais autant que moi. Assieds-toi là, buvons notre café et faisons les cartes. Le bon Dieu te devrait bien un peu d’amour, mais c’est bien rare que le bon Dieu fasse un miracle, et il ne s’occupe guère de pauvres filles comme nous. — Ainsi finit l’histoire de Lucile. Désormais, dit en terminant la triomphante Doralice, c’est elle qui, tous les matins, va acheter le lait dans la boîte au lait ; et elle ne reste jamais plus de trois minutes. Pour moi, (ajouta-t-elle,) j’en suis encore à m’amuser aux bagatelles de la porte chez Mombro et chez Janisset ; mais il y a des jours de pluie tout découragés où mes petits doigts se tourmentent déjà comme pour chercher l’anse de la boîte en fer battu ; et quant à maman, il y a positivement des fois que je pense à elle, et comme sa rue a été démolie, si mes amoureux m’ennuient trop, je finirai par demander son adresse.

— Brrr ! fit Médéric, voilà un roman qui donne froid : je vais remettre du bois au feu. — Il en remit, en effet ; une vaste clarté inonda l’atelier, tous les visages étaient pâles, et on s’aperçut alors que, profitant sans doute de la préoccupation générale, le jeune Allemand aux cheveux blond-jaune avait disparu en compagnie de la petite Javanaise.