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celui-là même qui a photographié en ballon la France cadastrale.

— Et celui qui porte un parapluie vert ?

— C’est un photographe entomologiste, qui a photographié le parasite du parasite de l’abeille.

— Et celui dont le parapluie est marron ?

— C’est un jardinier spécialiste, exclusivement cultivateur de fraises.

— Et ces deux gros messieurs bien vêtus qui passent en calèche avec des dames ?

— L’un est le tailleur de milord avec une actrice des Délassements, et l’autre le bottier de milord avec une actrice des Bouffes-Parisiens.

Lord Angel ferma sa fenêtre avec colère.

— Eh ! quoi ! s’écria-t-il, est-ce donc à ce point-là qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et quand on ouvre la fenêtre par un jour de pluie, est-il donc absolument impossible de voir passer autre chose que des portraitistes, des bottiers et des horticulteurs en cravate blanche ! Monsieur Tobie, d’ici à huit jours, je veux donner un grand festin, un festin magnifique, comme quand Lucullus dîna chez Lucullus ! Il me faut, dussiez-vous égorger madame Chevet, des fruits de l’Inde et de la Guadeloupe. Il me faut un surtout d’or ciselé par Barye, et des bougies à travers lesquelles on puisse regarder à la loupe une miniature d’Isabey. Vous vous arrangerez pour qu’il y ait sur les miroirs et sur les vitres des fleurs peintes par Diaz. Et pour ce jour-là, entendez-vous, monsieur Tobie, vous me trouverez, fût-ce en Chine, des convives qui ne soient ni tailleurs, ni photographes, ni membres de la Société d’horticulture !

Je veux six gaillards au moins ! cherchez-les où vous voudrez, exerçant des professions dont je n’aie jamais