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soin, était menée en laisse par un groom, qui, en même temps, montait une belle jument arabe.

Comme par un charmant caprice, madame de Lillers se décida à finir la route à cheval, et Julien s’offrit à prendre les devants pour prévenir madame de Créhange de cette visite matinale.

Bientôt la calèche qui emportait le jeune homme disparut aux yeux de Raoul et de Sylvanie, et pour la première fois depuis longtemps, ils se trouvèrent seuls. Les yeux de Sylvanie étaient noyés d’amour ; elle enveloppait Raoul de son sourire ; l’abandon de sa pose était magique, il y avait de quoi oublier tout.

— Monsieur, dit-elle, vous avez été sans pitié. Que vous avais-je fait ? mon Dieu !

L’audace de cette question étonna tellement le jeune homme qu’il ne sut que répondre. Enfin, il rassembla tout son courage et dit à demi-voix :

— Vous me le demandez ?

— Ah ! reprit vivement Sylvanie, croyez-vous donc que je ne vous aime pas ? Oui, les hommes sont ainsi. Pourtant, il ne me faudrait qu’un mot pour me justifier, et ce mot, hélas ! je ne puis le dire. Oh ! les pauvres femmes ! Souffrir, c’est leur sort !

— Et moi, madame, dit Raoul, croyez-vous que je n’aie pas souffert ? Douter toujours, soupçonner tout et ne vouloir jamais apprendre que la moitié de la vérité, parce que la vérité serait trop cruelle !

— C’est que vous ne savez pas aimer, murmura Sylvanie avec résignation. L’amour, vois-tu, c’est la confiance. Quand on aime, on ne cherche pas à épier, on ne veut rien savoir, on croit ! Ne pas t’aimer ! hélas ! hélas ! Raoul, avez-vous oublié ce temps, le seul où j’aie vécu ! Ce temps où nous existions tous deux, avec une