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sommeil ; mais Raoul ne pouvait dormir. Jusqu’au matin ils veillèrent près du feu, tantôt pleurant tous les deux et parlant de Sylvanie, tantôt silencieux, se recueillant pour s’enivrer de lassitude et pensant chacun à son rêve envolé.

Enfin, le jour parut. Julien voulut à tout prix distraire Raoul et l’arracher à ses tristes préoccupations. Il le décida à faire une promenade à cheval, et au bout de quelques instants, tous deux galopaient bride abattue sur la route de Paris.

L’air était suave et embaumé ; le soleil dorait toutes les cimes, et le vent éparpillait les cheveux des cavaliers. Raoul éprouva d’abord cette espèce de répit qu’un exercice ardent donne à ceux dont le cœur est las. Il respira plus librement, ses yeux reprirent leur éclat, et l’apparence d’un sourire éclaira ses lèvres entr’ouvertes. Mais bientôt Julien le vit pâlir et l’entendit balbutier. Au milieu d’un nuage de poussière, Raoul venait de reconnaître madame de Lillers dans une calèche que deux chevaux de race emportaient vers le château de Créhange.

Madame de Lillers fit arrêter sa voiture pour saluer Raoul et Julien. Comme la journée de la veille avait été brûlante, Sylvanie avait voulu partir de très-bonne heure et surprendre madame de Créhange dans la matinée. D’ailleurs, Sylvanie était d’une suprême distinction en tout, et il lui répugnait d’arriver en même temps que tout le monde, en chœur, comme un invité de comédie.

Elle était vêtue d’une amazone vert foncé, et en femme qui entendait admirablement la mise en scène de la vie et, ce qu’on appelle au théâtre, les entrées, elle avait fait mener, en tout cas, sa jument favorite. Cette admirable bête, harnachée pour Sylvanie avec grand