telle, l’amour ! Quoi, direz-vous, à treize ans ! Hélas ! c’est la destinée de ces existences de hasard, que les âges mêmes soient déplacés pour elles, et que leur plus charmante promesse soit moissonnée en sa fleur ! N’oubliez pas que nous sommes au théâtre de la Gaîté en 1828, c’est-à-dire que deux révolutions et tout un monde d’idées ont passé sur ces événements obscurs.
J’ai nommé Couturier, qui jouait le prince Charmant ! Quelques années auparavant, tout le boulevard du Temple avait beaucoup parlé de Couturier, qui était le Lauzun d’un monde impossible. La vie de cet acteur, pour qui avaient soupiré les plus célèbres courtisanes du temps, et dont le nom mis en vedette sur l’affiche avait encore une influence directe sur la recette des avant-scènes, avait commencé de la manière la moins romanesque. À douze ans, il faisait partie de ces cohortes de gamins, nés dans le ruisseau de la rue, qui ramassent des bouts de cigares, ouvrent les portières des fiacres, vendent des contre-marques et se livrent en outre à tous les commerces non reconnus par le code de commerce. Couturier n’annonçait aucune des dispositions qui caractérisent l’enfance des hommes destinés à devenir illustres, si ce n’est qu’il avait une prédilection particulière pour la musique des régiments. Quand il avait suivi pendant une heure les soldats le long des boulevards et à travers les rues, il entrait avec eux dans la caserne et se faisait donner quelques sous, soit en faisant la roue suivant les traditions les plus pures, soit en chantant des chansons obscènes dont il savait un répertoire inépuisable. Dans ses fréquents rapports avec l’armée, le petit Couturier apprit à imiter d’une manière assez grotesque différents types de conscrits et de grognards, et de plus, acquit pour battre la caisse un talent dont se