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Il était commodément assis dans un bon fauteuil, l’honnête Médéric ; il était assis devant son feu, un grand feu, et ne faisait absolument rien. Je me trompe, il fumait une cigarette. Ô cigarette, cigarette, petite courtisane au panache bleu, follement campée dans ta robe de papel de hilo, je ferai certainement un poëme sur toi la prochaine fois que je retrouverai mon dictionnaire des rimes. Ce sera un poëme en strophes de six vers, comme La Malédiction de Vénus, et je le ferai imprimer sur papier à cigarettes, de sorte qu’on dira à l’avenir : voulez-vous fumer un sixain ?

Il y avait un si grand feu que tout flamboyait et craquait dans la chambre : statuettes, cristaux et porcelaines de Chine ! Pour Médéric, pareil à un monsieur qui a sa loge à l’Opéra, il écoutait nonchalamment les harmonies domestiques, sans se donner la peine d’applaudir aux beaux endroits.

Et d’abord, dans la flamme du foyer, au milieu des turquoises et des émeraudes et des floraisons flamboyantes de roses bleues et aurore, chantait et dansait, au bruit du triangle et des castagnettes, la folle salamandre, vêtue de toiles d’or et d’argent, et de papier métallique avec toutes sortes d’oripeaux et de paillettes ! Et ses joyaux de Venise, ses colliers de verre, ses voiles de crêpe rose et bleu semés d’étoiles de fer-blanc, tourbillonnaient dans les éblouissants arcs-en-ciel des joyeux tisons.

— Je t’aime, disait-elle à Médéric, moi qui suis gaie comme l’oiseau, folle comme les comètes, éblouissante comme la prose de l’ami Théo, et qui rossignole comme une suite de triolets galamment troussés par un grand enfileur de perles ! Je t’aime parce que tu es un honnête garçon et que tu aimes mieux me voir danser pour toi