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le liquide, sur un rayon de la sinistre armoire, que couronnait le buste de Céliane. Ô mystères de la démence ! ce chef-d’œuvre, ce drame poignant, ce cri d’une âme ulcérée, Margueritte l’avait trouvé malgré lui, sans le savoir ; et tandis qu’il clouait son ennemie au pilori éternel, il avait cru la peindre en déesse triomphante, traînant sa robe de neige sur les bleus escaliers de saphir, blonde couronnée d’or échevelé, effarée au milieu des roses célestes, et ravissant vers les zones supérieures les anges entraînés dans le rhythme fulgurant de sa lyre et les chœurs éblouis et bondissants des froides étoiles !

Deux jours plus tard, une lettre de M. Mestrezat nous pressait, Vandevelle et moi, de nous rendre sans retard à Versailles. Margueritte était à sa dernière heure. Malgré toute la diligence possible, nous arrivâmes trop tard pour qu’il pût nous parler ; mais de sa main livide, et levant vers nous un œil éteint, il fit signe qu’il nous reconnaissait, et montra le chevet de son lit avec insistance ; puis il expira. Sous son chevet, il y avait une clef, la clef de l’armoire, et, sous une enveloppe sans cachet, un papier plié en quatre, dont Vandevelle fit immédiatement la lecture à haute voix. Voici ce qu’il contenait :

« Ceci est mon testament.

» Je nomme mon exécuteur testamentaire M. Mestrezat, chaudronnier, chez qui j’ai trouvé la bonté indulgente et la charité que le peuple conserve, comme le véritable héritage de Jésus.

» Je nomme ma chère mère, dame Marthe-Marie Margueritte, née Duménis, ma légataire universelle, et je lui donne et lègue expressément, pour en jouir et disposer à son gré, la rente de six cents francs que j’ai